J.O. 9 du 11 janvier 2004       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet

Texte paru au JORF/LD page 00932

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Décision du 23 octobre 2003 se prononçant sur un différend qui oppose la Société du parc éolien de Montjoyer et la Société du parc éolien de Rochefort-en-Valdaine à Electricité de France (EDF) relatif au prix du raccordement de leurs installations de production d'électricité au réseau public de distribution


NOR : CREX0306940S



La Commission de régulation de l'énergie,

Vu la demande de règlement de différend, enregistrée le 26 juin 2003 sous le numéro 03-38-06, présentée conjointement par la Société du parc éolien de Montjoyer, société à responsabilité limitée enregistrée au RC de Valenciennes sous le numéro 440 236 958, dont le siège social est situé 12, rue de la Fontaine, 59121 Prouvy, représentée par son gérant, M. Jean Ethuin, et la Société du parc éolien de Rochefort-en-Valdaine, société à responsabilité limitée enregistrée au RC de Valenciennes sous le numéro 440 231 249, dont le siège social est situé 12, rue de la Fontaine, 59121 Prouvy, représentée par son gérant, M. Jean Ethuin, et ayant toutes deux pour avocat Me Michel Guénaire, cabinet Gide Loyrette Nouel, sis 26, cours Albert-Ier, 75008 Paris ;

La Société du parc éolien de Montjoyer et la Société du parc éolien de Rochefort-en-Valdaine (ci-après désignées « les sociétés d'exploitation ») ont saisi la Commission de régulation de l'énergie du différend les opposant à Electricité de France, gestionnaire du réseau public de distribution, sur le prix du raccordement au réseau public de distribution de leurs installations de production d'électricité éolienne de Montjoyer et de Rochefort-en-Valdaine (Drôme).

Les sociétés d'exploitation contestent devoir la somme supplémentaire de 1 551 000 EUR, correspondant au coût des infrastructures du poste-source réalisées par RTE, gestionnaire du réseau public de transport, qui a été incluse dans la proposition technique et financière adressée par Electricité de France le 14 février 2003. Elles estiment devoir seulement la somme de 1 020 602 EUR, mentionnée par les propositions techniques et financières d'Electricité de France datées du 2 décembre 2002, réitérée par une proposition technique et financière en date du 13 janvier 2003, et acceptée par elles le 22 janvier 2003.

A l'appui de leur position, les sociétés d'exploitation soutiennent que les réserves habituellement portées sur les propositions techniques et financières sont sans valeur juridique et ne sauraient remettre en cause la portée de l'engagement sur le prix, formulé le 2 décembre 2002.

Elles estiment, en outre, que, conformément aux dispositions de l'article 8 du cahier des charges de la concession à Electricité de France du réseau d'alimentation générale en énergie électrique (RAG), qui s'applique à la distribution publique lorsqu'il s'agit du raccordement d'un producteur en haute tension, Electricité de France disposait d'un délai maximum de trois mois à compter de la demande du 4 septembre 2002 pour fournir sa proposition, et que la seule proposition technique et financière intervenue dans ce délai est celle du 2 décembre 2002.

Les sociétés d'exploitation considèrent, par ailleurs, qu' Electricité de France a manqué de transparence en ne fournissant que des indications très générales sur le surcoût de 1 551 000 EUR dans sa proposition technique et financière du 14 février 2003, puisqu'il s'est contenté d'indiquer que : « conformément au cahier des charges du RAG (avenant de 1995), et à la publication sur Internet datée du 1er-11-02, le producteur paye l'intégralité des dépenses de raccordement jusqu'au jeu de barres HTB (jeu de barres HTB exclu) [...] Infrastructures - Bâtiment (issus de la PTF de RTE à EGS) 1 551 000 EUR HT ».

Sur le fond, elles considèrent que, par application du décret du 26 avril 2001 relatif aux tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité, le prix des infrastructures du poste-source réalisées par RTE ne peut pas leur être imputé, puisque la conception de type « deep cost », qui présidait au cahier des charges de la concession du réseau d'alimentation générale, a précisément été remise en cause.

Elles relèvent, en effet, que l'article 2 du décret du 26 avril 2001 dispose que les tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution sont calculés à partir de l'ensemble des coûts de ces réseaux, qui comprennent notamment : « les coûts de maintenance, de sécurisation, de développement et de renforcement des réseaux publics, y compris lorsque ces renforcements sont liés au raccordement de nouveaux utilisateurs ».

Elles soulignent que, ce faisant, le décret du 26 avril 2001 traduit une approche de type « shallow cost » et indiquent que le rapport du 27 janvier 2000, rendu par le groupe d'expertise présidé par M. Paul Champsaur, définit ce principe du « shallow cost » comme conduisant à limiter les prix de raccordement au coût de l'établissement de la ligne qui permet de rejoindre le niveau de tension adapté au nouveau moyen de production et de mutualiser tous les coûts de renforcement situés au-delà de ce niveau de tension à travers la tarification générale du transport.

Selon les sociétés d'exploitation, la mutualisation des coûts au-delà du niveau de tension adapté à l'installation de production s'applique également en ce qui concerne la réalisation d'un poste-source. En conséquence, elles considèrent que seul le prix des travaux de création du poste-source relevant du niveau de tension HTA doit leur être appliqué et que le prix des travaux réalisés sur la partie HTB du poste-source, qui sont de la compétence de RTE, ne doit pas leur être imputé.

Elles observent qu'une telle application du « shallow cost », dans laquelle seuls les coûts compris dans le périmètre du gestionnaire du réseau public de distribution sont supportés par l'utilisateur qui demande à être raccordé au réseau de distribution, répond au principe de transparence, auquel sont soumis les gestionnaires de réseaux. Elles estiment qu'il serait contestable, au regard du principe de transparence, que des travaux réalisés par RTE puissent être mis à la charge de l'utilisateur du réseau de distribution pour son raccordement. Elles soulignent, au surplus, qu'aucune relation directe n'existe entre RTE et l'utilisateur et que ce dernier est, ainsi, privé de la possibilité de connaître et de discuter le bien-fondé des prestations de RTE.

La Société du parc éolien de Montjoyer et la Société du parc éolien de Rochefort-en-Valdaine demandent, en conséquence, à la Commission de régulation de l'énergie :

A titre principal :

- de dire que le raccordement des installations de production de Montjoyer et de Rochefort-en-Valdaine doit être mis à la charge des sociétés d'exploitation pour un montant global correspondant à celui prévu par les propositions techniques et financières du 2 décembre 2002, soit 1 020 602 EUR HT.

A défaut, et à titre subsidiaire, si la Commission de régulation de l'énergie considérait que les propositions techniques et financières du 14 février 2003 doivent être prises en compte :

- de dire qu'Electricité de France a manqué à son obligation de transparence dans le traitement de la demande des sociétés d'exploitation ;

- de dire que le montant du raccordement mis à leur charge ne saurait comprendre la somme de 1 550 000 EUR, correspondant aux travaux réalisés par RTE sur le poste-source dans les projets de convention de raccordement, et que ce montant doit donc être limité à 1 022 616 EUR.

En tout état de cause :

- de dire qu'Electricité de France doit rembourser à la Société du parc éolien de Montjoyer et à la Société du parc éolien de Rochefort-en-Valdaine les frais engagés par ces dernières au titre de la présente procédure, à hauteur de 6 000 EUR ;


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Vu les observations en défense, enregistrées le 23 juillet 2003, présentées par Electricité de France (EDF), établissement public à caractère industriel et commercial inscrit au RCS de Paris sous le numéro B 552 081 317, dont le siège social est situé 22-30, avenue de Wagram, 75008 Paris, représenté par M. Robert Durdilly, directeur d'EDF-GDF Services.

Electricité de France rappelle, de façon liminaire, que la société CEGELEC avait, dans un premier temps, demandé à RTE le raccordement d'une installation de 20,25 MW retenue dans le cadre du programme EOLE 2005 et que les sociétés du parc éolien de Montjoyer et du parc éolien de Rochefort-en-Valdaine ont été constituées dans le cadre du dédoublement du projet en deux installations, respectivement de 9,75 MW et 10,5 MW, en vue de bénéficier du régime de l'obligation d'achat institué par l'article 10 de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité.

Electricité de France souligne ainsi, en préambule, que la participation financière des deux sociétés d'exploitation aux travaux induits par la construction du nouveau poste-source sur le réseau de distribution ne concerne pas un périmètre de travaux comparable à celui mentionné dans la proposition technique et financière de RTE en date du 8 février 2001, qui consistait à réaliser un raccordement au réseau public de transport HTB à partir d'un poste privé entièrement financé par CEGELEC, promoteur initial du projet.

S'expliquant sur les écarts entre ses propositions techniques et financières et celles précédemment fournies à la société CEGELEC par RTE, Electricité de France indique qu'une partie des frais de l'opération de raccordement était initialement prise en charge par CEGELEC dans le cadre de l'option retenue en 2001 avec RTE du raccordement d'un poste privé à construire par le producteur.

Electricité de France affirme que CEGELEC et les sociétés d'exploitation ne pouvaient, donc, ignorer que le coût global des deux propositions techniques et financières des 13 janvier 2003 et 14 février 2003 serait inéluctablement plus élevé que le montant de 1 593 kEUR résultant de la proposition technique et financière de RTE du 8 février 2001 et qu'en outre les travaux mentionnés dans la proposition technique et financière du 13 janvier 2003 ne comprenaient pas la totalité des travaux de construction d'un poste-source, qui s'élèvent au minimum à 2,5 MEUR.

Electricité de France estime, en revanche, que le montant global des deux propositions techniques et financières agrégées des 13 janvier 2003 et 14 février 2003 reste inférieur à l'enveloppe financière d'un montant de 3,97 MEUR annoncée à CEGELEC lors de la réunion du 2 septembre 2002.

Quoi qu'il en soit, Electricité de France estime que la solution qu'il a proposée dès le 2 septembre 2002 en tant que gestionnaire du réseau public de distribution pour le raccordement des fermes éoliennes de Montjoyer et de Rochefort-en-Valdaine, est d'un coût inférieur au raccordement individuel de chacun des sites éoliens.

Cette solution consiste à créer un poste-source au plus près des installations de production, à raccorder ce nouveau poste-source au réseau public de transport et à créer des liaisons relevant du réseau public de distribution en HTA vers les différentes fermes éoliennes. Il apparaît, donc, à Electricité de France que toutes les composantes de cette solution conduisent à créer un réseau neuf, ne pouvant être qualifié de renforcement.

Electricité de France estime donc qu'il n'a pas procédé à un renforcement du réseau public en amont du poste de transformation, dont les frais éventuels resteraient à la charge des gestionnaires de réseaux, mais a établi des ouvrages spécifiques et dédiés.

Electricité de France souligne, par ailleurs, que les prix de raccordement ont toujours été économiquement cohérents et communiqués de façon transparente à chacune des étapes de concertation.

Electricité de France considère qu'en formulant les propositions techniques et financières aux sociétés d'exploitation, respectivement les 13 janvier 2003 et 14 février 2003, il a fait une juste interprétation des dispositions du décret du 26 avril 2001, dès lors qu'il a inclu l'ensemble des coûts de construction du poste-source, à l'exception du réseau HTB, des cellules HTB et des jeux de barres HTB, qui relèvent de RTE.

Electricité de France rappelle qu'il a publié, dès le mois d'août 2001, sur son site Internet, l'ensemble des règles de raccordement applicables aux producteurs et que celles-ci ont fait l'objet d'adaptations au mois d'août 2002, puis à l'entrée en vigueur du décret du 19 juillet 2002 fixant les tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité. Il rappelle, également, que ces règles ont été portées à la connaissance des utilisateurs et des pouvoirs publics et qu'elles n'ont suscité aucune objection de la part de la Commission de régulation de l'énergie, lors de ses délibérations des 19 juillet 2001, 4 juillet 2002 et 7 novembre 2002.

Electricité de France souligne que les règles diffusées sur son site Internet mentionnent clairement que, si des travaux dans le poste HTB/HTA ou sur les réseaux HTA sont nécessaires, le coût de ces travaux est intégré au devis de connexion HTA proposé au producteur. Ces règles indiquent, également, que la totalité de la création d'un poste-source peut être facturée au producteur, tant que le coût de cette solution ne dépasse pas la somme des coûts des solutions de référence.

Electricité de France soutient, au surplus, que le coût mentionné dans la proposition technique et financière du 14 février 2003 adressée par Electricité de France à la Société du parc éolien de Rochefort-en-Valdaine a pris en compte les indications qui lui ont été données par RTE. Il précise, toutefois, que les éléments fournis par RTE ont évolué jusqu'au mois de février 2003, de sorte qu'aucune proposition technique et financière définitive n'a pu être établie avant le 14 février 2003. Electricité de France souligne qu'il a, en tout état de cause, informé les producteurs, dès qu'il en a eu connaissance, du montant correspondant aux actifs RTE du poste-source devant être mis à leur charge, dans la proposition technique et financière du 14 février 2003.

Electricité de France ajoute qu'il n'a pas pu obtenir de RTE le détail des différents postes budgétaires de sa proposition technique et financière, ce qui lui aurait permis de déterminer si plusieurs prestations d'aménagement n'avaient pas été assurées par CEGELEC dans le cadre des travaux préalables à la construction, en 2000, de son poste privé sur les emprises du poste-source.

Electricité de France affirme que les projets de proposition technique et financière du 6 décembre 2002 adressés au producteur constituent uniquement des documents préparatoires aux offres de raccordement, que ces documents ne constituent en aucun cas un engagement d'Electricité de France sur la solution de raccordement choisie, ni sur le chiffrage de celle-ci, et que les conditions techniques et financières du raccordement ne sont finalisées qu'au stade de la proposition de convention de raccordement adressée au producteur.

Electricité de France ajoute que les propositions techniques et financières arrêtées les 13 janvier 2003 et 14 février 2003, respectivement pour les sites de Montjoyer et de Rochefort-en-Valdaine, sont indissociablement liées selon les termes même du dernier alinéa des chapitres 13.5 et 13.6 de ces documents, et que ce lien répond à la demande des producteurs. Ces propositions n'étaient susceptibles d'engager Electricité de France qu'à la date de l'approbation de la dernière d'entre elles par leurs destinataires respectifs.

Electricité de France souligne que, si la Société du parc éolien de Montjoyer a confirmé son accord le 22 janvier 2003 sur la proposition technique et financière du 13 janvier 2003, en revanche, la Société du parc éolien de Rochefort-en-Valdaine a accepté, par courrier distinct du 22 janvier 2003, une proposition technique et financière qui ne lui avait pas été encore adressée, puis a, par un courrier du 31 mars 2003, accepté la proposition technique et financière du 14 février 2003, qui seule la concernait.

Electricité de France considère, dès lors, que les seules propositions techniques et financières susceptibles d'engager Electricité de France sont les documents qui ont fait l'objet d'un accord des deux producteurs, respectivement par courriers du 22 janvier 2003 et du 31 mars 2003.

Electricité de France indique, enfin, que la circonstance que la proposition technique et financière du 13 janvier 2003 pour le site de Montjoyer et celle du 14 février 2003 pour le site de Rochefort-en-Valdaine ont été adressées aux producteurs au-delà du délai de trois mois suivant les demandes de raccordement n'a pas pu conférer un caractère définitif aux deux projets de propositions techniques et financières envoyées au producteur le 6 décembre 2002. Il rappelle, en effet, que les dispositions de l'article 8.3 du cahier des charges de la concession du réseau d'alimentation générale ne précisent pas les conséquences de l'absence de réponse dans le délai de trois mois à une demande de raccordement.

Electricité de France demande, donc, à la Commission de régulation de l'énergie de rejeter la requête de la Société du parc éolien de Montjoyer et de la Société du parc éolien de Rochefort-en-Valdaine ;


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Vu les observations, enregistrées le 26 août 2003, présentées par le gestionnaire du réseau public de transport d'électricité (RTE), domicilié 34-40, rue Henri-Régnault, 92068 Paris-La Défense Cedex 48, service d'Electricité de France (EDF), établissement public à caractère industriel et commercial, dont le siège social est situé 22-30, avenue de Wagram, 75008 Paris, représenté par son directeur, M. André Merlin.

RTE indique qu'il n'est en rien responsable des difficultés rencontrées par CEGELEC, qui découlent de la mise en oeuvre de l'obligation d'achat.

RTE rappelle, également, qu'Electricité de France, gestionnaire du réseau de distribution, est seul responsable, à l'égard de l'utilisateur qui demande un raccordement à son réseau, de la solution technique et économique retenue pour ce raccordement.

RTE conteste avoir fait preuve de négligences, qui auraient empêché Electricité de France d'intégrer en temps utile, dans les propositions techniques et financières adressées aux producteurs éoliens, les éléments concernant le poste-source. RTE estime qu'il a, au contraire, scrupuleusement rempli l'ensemble de ses obligations à l'égard d'Electricité de France, gestionnaire du réseau de distribution, conformément aux stipulations des protocoles qui le lient à ce dernier.

RTE indique qu'il a adressé formellement une proposition technique et financière à Electricité de France le 13 février 2003, en réponse à la demande de raccordement que cette dernière lui avait adressée le matin même.

RTE souligne qu'il avait fourni les éléments utiles à Electricité de France par courriers électroniques des 16 janvier 2003, 28 janvier 2003 et 6 février 2003, sans que les montants nécessaires à l'établissement par Electricité de France de sa proposition technique et financière aux producteurs éoliens n'évoluent. RTE considère donc qu'Electricité de France disposait de toutes les indications nécessaires dès le 21 novembre 2002.

RTE conteste, également, l'assertion d'Electricité de France, selon laquelle ce dernier aurait « demandé sans succès à RTE de détailler les différents postes budgétaires de sa proposition technique et financière du 13 février 2003 » ;


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Vu les observations en réplique, enregistrées le 3 septembre 2003, présentées conjointement par la Société du parc éolien de Montjoyer et la Société du parc éolien de Rochefort-en-Valdaine.

La Société du parc éolien de Montjoyer et la Société du parc éolien de Rochefort-en-Valdaine maintiennent leur position selon laquelle, conformément à l'article 8 du cahier des charges de la concession à Electricité de France du réseau d'alimentation générale en énergie électrique, dès lors qu'un document portant sur les conditions de raccordement, qui plus est intitulé « proposition technique et financière », est adressé par Electricité de France dans le délai de trois mois prévu par cet article , il engage définitivement le gestionnaire du réseau public de distribution.

Les sociétés d'exploitation considèrent qu'il n'était pas nécessaire que CEGELEC Sud-Ouest se prévale d'un quelconque « pouvoir d'approbation des conditions financières de raccordement », pour que les propositions techniques et financières du 2 décembre 2002 engagent Electricité de France. Il suffisait que, conformément à l'article 8 du cahier des charges de la concession à Electricité de France du réseau d'alimentation générale en énergie électrique, Electricité de France ait fait aux producteurs, à travers CEGELEC, une proposition concernant les modalités techniques et financières de raccordement de leurs installations. Par la suite, c'est la volonté d'agir dans les meilleurs délais, qui a motivé la demande des sociétés d'exploitation de recevoir directement d'Electricité de France les propositions techniques et financières, ainsi que les conventions de raccordement.

Il ne fait aucun doute pour les sociétés d'exploitation que, quand bien même Electricité de France aurait entendu lier la validité de la proposition technique et financière de Montjoyer à la signature de celle de Rochefort-en-Valdaine, la proposition technique et financière du 13 janvier 2003 concernant le site de Montjoyer s'inscrivait dans le cadre d'un coût global de raccordement pour les deux installations pour un montant de 1 020 602 EUR, strictement identique à celui figurant dans les propositions techniques et financières du 2 décembre 2002.

Les sociétés d'exploitation invoquent le chapitre 13.5 de la proposition technique et financière du 13 janvier 2003, qui précise que : « afin de répartir le coût des travaux de construction du poste-source de Montjoyer sur les deux propositions techniques et financières, le montant de création du poste-source sera réparti suivant le nombre d'éoliennes sur chaque site. Ainsi, le coût de création du poste-source de Montjoyer dans la proposition technique et financière de Montjoyer sera de 483 889 EUR HT et, dans la proposition technique et financière de Rochefort, de 521 111 EUR HT (le total est ainsi de 483 889 + 521 111 = 1 005 000 EUR HT, coût total de création du poste-source) ».

Les sociétés d'exploitation considèrent que, si Electricité de France avait envisagé, dès le 13 janvier 2003, d'ajouter au montant des travaux supporté par les deux sociétés un surcoût correspondant aux infrastructures du poste-source réalisées par RTE, il en aurait fait mention dans cette proposition, ce qui n'a pas été le cas.

En conséquence, les sociétés d'exploitation considèrent qu'elles sont pleinement fondées à demander que le coût global de raccordement de leurs installations leur soit facturé pour un montant de 1 020 602 EUR, soit celui inscrit dans la proposition technique et financière du 2 décembre 2002.

Les sociétés d'exploitation contestent, en outre, l'argument relatif à la connaissance qu'aurait eue CEGELEC, dès le mois de septembre 2002, du montant total à la charge des deux sociétés figurant dans la proposition technique et financière du 14 février 2003. Elles considèrent que l'analyse des circonstances de l'espèce apporte un démenti formel à l'affirmation d'Electricité de France, selon laquelle il était évident pour tous que le coût global du raccordement à la charge des sociétés d'exploitation n'aurait pu être limité à 1 020 602 EUR.

Pour les sociétés d'exploitation, la force probante du compte rendu de la réunion du 2 septembre 2002, produit par Electricité de France, qui n'a été communiqué ni aux sociétés d'exploitation ni à CEGELEC, et qui portait d'ailleurs la mention « non diffusable », est nulle. Au demeurant, les sociétés d'exploitation contestent que les chiffres y figurant aient effectivement été présentés par Electricité de France, lors de la réunion du 2 septembre 2002.

Les sociétés d'exploitation considèrent que, même si le courrier d'Electricité de France du 6 décembre 2002 indique que « certains points techniques sont à définir et à valider ensemble », il est évident qu'Electricité de France aurait indiqué expressément, si tel avait été le cas, qu'un surcoût de l'ordre de 1 551 000 EUR était prévisible.

Les sociétés d'exploitation indiquent, également, qu'il résulte, tant de la réunion téléphonique du 18 décembre 2002, que de la proposition technique et financière du 13 janvier 2003 que, selon Electricité de France même, le coût du raccordement à la charge des deux sociétés d'exploitation devait être limité à 1 020 602 EUR. En effet, le compte rendu de la réunion du 18 décembre 2002, préparé par CEGELEC et transmis à Electricité de France et à RTE sans aucune réaction divergente de leur part, indique seulement que le montant inchangé de 1 005 000 EUR correspondant à la création du poste-source doit être réparti entre les sociétés d'exploitation en fonction du nombre d'éoliennes. La proposition technique et financière du 13 janvier 2003 entérine cette position, sans que n'apparaisse aucune réserve ou aucune mention relative à un éventuel coût supplémentaire à prendre en compte.

Par conséquent, les sociétés d'exploitation considèrent qu'Electricité de France a bien manqué à son obligation de transparence. Les explications sur le coût supplémentaire de 1 551 000 EUR ont été fournies tardivement à CEGELEC, seulement après la proposition technique et financière du 14 février 2003.

Les sociétés d'exploitation considèrent que le gestionnaire de réseau public d'électricité ne distingue pas, à partir des règles qu'il a prises lui-même, le raccordement et le renforcement. Ces règles ne contredisent pas celle que les demanderesses ont déduit des textes et qui aboutit à la mutualisation entre les utilisateurs du réseau, à travers les tarifs, du coût des travaux relevant de RTE dans le poste-source.

Enfin, les sociétés d'exploitation soulignent qu'elles ne disposent pas, en interne, des ressources juridiques leur permettant de défendre leurs intérêts dans le cadre de la présente procédure. Dès lors, elles s'estiment fondées à demander à Electricité de France le remboursement des frais de conseil qu'elles ont dû engager, à hauteur de 6 000 EUR.

La Société du parc éolien de Montjoyer et la Société du parc éolien de Rochefort-en-Valdaine persistent donc dans leurs demandes enregistrées par la Commission de régulation de l'énergie le 26 juin 2003 ;


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Vu les observations complémentaires, enregistrées le 11 septembre 2003, présentées conjointement par la Société du parc éolien de Montjoyer et la Société du parc éolien de Rochefort-en-Valdaine.

Les sociétés d'exploitation considèrent que les observations produites par RTE, en date du 26 août 2003, ne contiennent pas, concernant le différend qui les oppose à Electricité de France, d'élément susceptible de remettre en cause leur position, dès lors qu'elles consistent, pour l'essentiel, en une réaction de RTE à la mise en cause dont il a fait l'objet dans les observations en défense produites par Electricité de France.

Elles relèvent, néanmoins, que, dès le 21 novembre 2002, à la suite de ses échanges informels avec RTE, Electricité de France était en possession de l'ensemble des éléments du coût de raccordement. L'absence de toute remise en cause, jusqu'au 12 février 2003, du montant de 1 020 602 EUR figurant dans les propositions techniques et financières adressées aux sociétés d'exploitation atteste que le gestionnaire du réseau public de distribution a considéré jusqu'alors que ce seul prix devait être imputé aux deux sociétés d'exploitation.

Elles soulignent, également, que les incertitudes et les atermoiements qui ont émaillé la gestion du raccordement par RTE et Electricité de France ne sauraient leur porter préjudice. Elles invoquent de nouveau la théorie du « shallow cost », suivant laquelle seuls les coûts situés dans le périmètre de facturation du gestionnaire de réseau de distribution, auquel sont raccordées les installations, sont à la charge de l'utilisateur.

La Société du parc éolien de Montjoyer et la Société du parc éolien de Rochefort-en-Valdaine persistent, donc, dans l'intégralité de leurs demandes ;


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Vu les observations complémentaires, enregistrées le 15 septembre 2003, présentées par Electricité de France (EDF).

Répondant, tout d'abord, aux observations en réplique des sociétés d'exploitation, Electricité de France conteste que seule une proposition technique et financière adressée dans le délai de 3 mois prévu par l'article 8 du cahier des charges de la concession à Electricité de France du réseau d'alimentation générale en énergie électrique puisse engager le gestionnaire du réseau public de distribution.

Selon Electricité de France, il ne peut pas être déduit de l'article 8.3 du cahier des charges de la concession du réseau d'alimentation générale qu'en l'absence de proposition adressée au producteur dans ce délai de trois mois, le concessionnaire serait tenu par le seul document adressé au producteur dans ce délai, a fortiori lorsque ce document est expressément présenté comme un simple projet.

Electricité de France relève qu'en vertu de l'article 8.3 dudit cahier des charges les propositions techniques et financières définitives doivent être adressées aux producteurs et acceptées par eux et, qu'en l'occurrence ce sont les deux sociétés d'exploitation, et non CEGELEC, qui ont reçu, puis accepté, la proposition technique et financière du 13 janvier 2003.

Electricité de France soutient, par ailleurs, que les sociétés d'exploitation requérantes ne peuvent affirmer que la signature de la seule proposition technique et financière du 13 janvier 2003 suffisait à engager les deux sociétés. Electricité de France soutient, en outre, que, s'il n'avait pas été en attente de la détermination du coût total de raccordement, il aurait établi, dès le 13 janvier 2003, la proposition technique et financière de Rochefort-en-Valdaine.

Electricité de France souligne que la détermination du coût total du raccordement était encore en cours d'instruction lors de la réunion du 2 septembre 2002, et que c'est cela qui justifie l'absence d'établissement de la proposition technique et financière relative au site de Rochefort-en-Valdaine simultanément à celle de Montjoyer.

Electricité de France constate que seule la version finalisée et stabilisée de la proposition technique et financière adressée par RTE le 13 février 2003 lui permettait d'établir la proposition technique et financière de Rochefort-en-Valdaine. Celle-ci a été réalisée immédiatement et Electricité de France estime que les délais de transmission des propositions techniques et financières sont raisonnables, compte tenu de la nature du dossier.

Electricité de France considère donc que seules les propositions techniques et financières du 13 janvier 2003 pour Montjoyer et du 14 février 2003 pour Rochefort-en-Valdaine étaient susceptibles d'engager Electricité de France. Ces propositions ont fait l'objet d'une double acceptation, respectivement par un courrier du 22 janvier 2003 pour Montjoyer et par un courrier du 31 mars 2003 pour Rochefort-en-Valdaine.

Electricité de France estime, en outre, avoir largement démontré qu'il avait fait une juste interprétation des textes réglementaires en incluant, dans les propositions techniques et financières du 13 janvier 2003 et du 14 février 2003, l'ensemble des coûts de construction du poste-source, à l'exception du réseau HTB, des cellules HTB et des jeux de barres HTB. Electricité de France rappelle, à cet égard, que l'ensemble de ces règles a fait l'objet d'une large publicité, notamment sur son site Internet.

En réponse aux observations de RTE, Electricité de France souligne que les documents que RTE lui a adressés successivement les 16 janvier 2003, 28 janvier 2003 et 6 février 2003 constituaient des « échanges informels », intervenus dans la phase d'étude d'opportunité prévue dans le cadre du protocole 115 et que seul le document adressé le 13 février 2003 constitue la véritable proposition technique et financière en réponse à sa demande formelle adressée le même jour.

Electricité de France soutient également que la part des actifs de RTE à la charge des producteurs a seulement été indiquée dans la proposition technique et financière de RTE du 13 février 2003 et qu'il ne disposait pas, par conséquent, le 21 novembre 2002, d'une version stabilisée, en particulier quant à la solution technique retenue, permettant de garantir l'affectation d'une partie des coûts aux producteurs.

Electricité de France maintient donc l'intégralité de ses conclusions de rejet des demandes des sociétés d'exploitation des fermes éoliennes ;


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Vu l'ensemble des dossiers remis par les parties ;

Vu la loi no 2000-108 du 10 février 2000 modifiée relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité ;

Vu le décret no 2000-894 du 11 septembre 2000 modifié relatif aux procédures applicables devant la Commission de régulation de l'énergie ;

Vu la décision du 15 février 2001 relative au règlement intérieur de la Commission de régulation de l'énergie ;

Vu la décision du 27 juin 2003 du président de la Commission de régulation de l'énergie relative à la désignation d'un rapporteur et de rapporteurs adjoints pour l'instruction de la demande de règlement du différend ;

Vu la décision du 24 juillet de la Commission de régulation de l'énergie relative à la prorogation du délai d'instruction de la demande de règlement du différend ;

Vu le décret du 23 décembre 1994 approuvant le cahier des charges de la concession à Electricité de France du réseau d'alimentation générale en énergie électrique ;

Vu le décret no 2000-877 du 7 septembre 2000 relatif à l'autorisation d'exploiter les installations de production d'électricité ;

Vu le décret no 2000-1196 du 6 décembre 2000 fixant, par catégorie d'installations, les limites de puissance des installations pouvant bénéficier de l'obligation d'achat d'électricité ;

Vu le décret no 2001-365 du 26 avril 2001 relatif aux tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution ;

Vu le décret no 2001-410 du 10 mai 2001 modifié relatif aux conditions d'achat de l'électricité produite par des producteurs bénéficiant de l'obligation d'achat ;

Vu le décret no 2002-1014 du 19 juillet 2002 fixant les tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution, en application de l'article 4 de la loi no 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité ;


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Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique devant la commission ;

Après avoir entendu, le 23 octobre 2003, lors de la séance publique devant la commission, en présence de :

M. Jean Syrota, président, Mme Jacqueline Benassayag et MM. Bruno Lechevin et François Morin, commissaires ;

M. Olivier Challan Belval, directeur général, Mme Gisèle Avoie, directrice juridique ;

M. Didier Laffaille, rapporteur, et MM. Christian Bossoutrot et Nicolas Chauvet, rapporteurs adjoints ;

Me Michel Guénaire et M. Jean Ethuin, pour la Société du parc éolien de Montjoyer et la Société du parc éolien de Rochefort-en-Valdaine ;

M. Jean-Claude Millien et Mme Isabelle de Wailly, pour Electricité de France ;

MM. Olivier Lavoine, Jean Verseille, Philippe Clavel et Mme Karine Blaisbois, pour RTE :

- le rapport de M. Didier Laffaille, exposant les moyens et les conclusions des parties ;

- les observations de Me Michel Guénaire et de M. Jean Ethuin, pour la Société du parc éolien de Montjoyer et la Société du parc éolien de Rochefort-en-Valdaine : les sociétés d'exploitation persistent dans leurs conclusions et moyens ; elles soulignent qu'elles souhaitent voir confirmer le droit des pétitionnaires de recevoir une proposition technique et financière dans les trois mois suivant leurs demandes, que seules les propositions du 2 décembre 2002 répondent à ce délai réglementaire et sont donc recevables ; elles rappellent que la proposition technique et financière du 14 février 2003 ne peut pas être retenue, comme étant tardive et que, n'étant pas suffisamment motivée, cette proposition n'est pas conforme au principe de transparence ; elles soutiennent, enfin, qu'en tout état de cause seuls doivent leur être imputés les coûts de raccordement afférents au niveau de tension auquel se raccordent les installations, tous autres travaux devant être considérés comme du renforcement de réseau, non imputable aux pétitionnaires ;

- les observations de M. Jean-Claude Millien, pour Electricité de France : Electricité de France persiste dans ses conclusions et moyens ; il relève que c'est seulement à la date du 12 février 2003 qu'Electricité de France était en possession de l'ensemble des coûts lui permettant d'arrêter le montant de ses propositions techniques et financières ; il souligne la complexité du dossier de raccordement des sociétés d'exploitation pour justifier le délai de production de la proposition technique et financière et il ajoute que les sociétés requérantes ne pouvaient pas ignorer le coût réel d'un poste-source ; répondant à une question soulevée lors de la séance publique, il indique que ce n'est pas à la demande du gestionnaire du réseau public de distribution que le raccordement au réseau public de transport a été abandonné ;

- les observations de MM. Olivier Lavoine et Jean Verseille, pour RTE : RTE, gestionnaire du réseau public de transport d'électricité, persiste dans ses conclusions ; il rappelle que sa responsabilité ne saurait être engagée et il souligne qu'il a intégralement respecté ses obligations, énoncées par le protocole 115, vis-à-vis du gestionnaire du réseau public de distribution ; il indique que le projet de raccordement au réseau public de transport et le projet de raccordement au réseau public de distribution sont techniquement analogues, mais que c'est essentiellement la répartition des coûts qui est affectée par ce changement de raccordement ; il confirme que sa proposition technique et financière, formulée le 8 février 2001 à la demande de la société CEGELEC, ne comportait que les coûts relatifs au raccordement du poste privé réalisé par le producteur ;

- les nouvelles observations de Me Michel Guénaire, pour la Société du parc éolien de Montjoyer et la Société du parc éolien de Rochefort-en-Valdaine : les sociétés d'exploitation relèvent que les diapositives schématisant la répartition des coûts entre les différentes parties prenantes, projetées par Electricité de France en séance publique, n'ont pas été produites au cours de l'instruction, au mépris du principe du contradictoire.



La commission en ayant délibéré le 23 octobre 2003, après que les parties, le rapporteur, les rapporteurs adjoints, le public et les agents de la Commission de régulation de l'énergie se sont retirés.


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Les faits :

Il ressort des pièces du dossier soumis à la Commission de régulation de l'énergie que la société CEGELEC Sud-Ouest a décidé de réaliser, sur le territoire de la commune de Montjoyer, une centrale éolienne de production d'électricité d'une puissance maximale de 20,25 MW. Ce projet avait été sélectionné, dans le cadre du programme EOLE 2005, à la suite de l'appel à propositions du 31 mai 1999.

Le 13 avril 2000, puis le 12 décembre 2000, la société CEGELEC (ayant entre-temps pris l'appellation ALSTOM Contracting) a demandé à RTE, gestionnaire du réseau public de transport de l'électricité, de proposer un devis pour le raccordement de sa future centrale au réseau public de transport.

La proposition technique et financière que RTE lui a adressée le 8 février 2001 prévoyait la réalisation d'un nouveau poste RAG en coupure sur le tronçon de la ligne 63 kV reliant Châteauneuf à Fugerolles. Le montant des travaux à réaliser s'élevait à 10 450 000 FRF 10 % (soit 1 593 092,20 EUR).

ALSTOM Contracting a signé cette proposition technique et financière et l'a retournée à RTE le 26 avril 2001, en versant 3,5 % du prix à titre d'acompte, soit 365 750 FRF (55 758,23 EUR).

Fin 2001, le promoteur éolien a décidé, pour bénéficier du régime de l'obligation d'achat établi par l'article 10 de la loi no 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, de constituer deux sites de production au lieu d'un seul, qui seraient gérés par deux sociétés d'exploitation distinctes créées le 18 décembre 2001 : la Société du parc éolien de Montjoyer et la Société du parc éolien de Rochefort-en-Valdaine.

La centrale éolienne de Montjoyer, d'une capacité de production de 9,75 MW, et la centrale éolienne de Rochefort-en-Valdaine, d'une capacité de production de 10,5 MW, ont toutes deux obtenu les titres administratifs nécessaires, à savoir un arrêté d'autorisation d'exploiter, délivré le 15 février 2002, et un certificat ouvrant droit à l'obligation d'achat de l'énergie électrique produite, délivré le 25 mars 2002.

Par courrier du 2 août 2002, Electricité de France, en sa qualité d'acheteur soumis à l'obligation d'achat régie par les dispositions de l'article 10 de la loi no 2000-108 du 10 février 2000, a imposé la création d'un point de livraison au réseau public de distribution pour chaque centrale de production. Afin de se conformer à cette demande, les sociétés d'exploitation ont saisi le gestionnaire de réseau public de distribution d'une demande de raccordement.

Electricité de France, gestionnaire du réseau public de distribution, a donc établi, le 2 décembre 2002, une nouvelle proposition technique et financière pour chaque site, assortie de la mention « projet », qui a été transmise aux sociétés d'exploitation le 6 décembre 2002. Cette proposition prévoyait la création d'un poste-source commun aux deux installations de production, avec un transformateur 63/20 kV de 36 MVA, et la construction de deux tronçons de raccordement en HTA. Cette proposition technique et financière indiquait un prix de raccordement de 1 012 800,87 EUR pour la centrale de Montjoyer et de 7 800,87 EUR pour la centrale de Rochefort-en-Valdaine, soit un montant global de 1 020 601,74 EUR.

Le courrier qui accompagnait cette proposition indiquait que « certains points techniques sont à définir et à valider ensemble ». Ces précisions ont été données le 18 décembre 2002, au cours d'une réunion à laquelle a fait suite un courrier du 23 décembre 2002 des sociétés d'exploitation, indiquant qu'elles étaient disposées à signer les propositions techniques et financières complétées des remarques formulées dans le compte-rendu de la réunion.

Une nouvelle proposition technique et financière, datée du 13 janvier 2003 et comportant la mention « ne constitue aucunement un engagement d'EDF », a été adressée par Electricité de France, gestionnaire du réseau public de distribution, pour la centrale de Montjoyer. Le montant de cette nouvelle proposition était de 491.589,87 EUR et faisait explicitement référence au raccordement de l'installation de Rochefort-en-Valdaine dans les termes suivants : « afin de répartir le coût des travaux de construction du poste-source de Montjoyer sur les deux propositions techniques et financières, le montant de création du poste-source sera réparti suivant le nombre d'éoliennes sur chaque site. Ainsi, le coût de création du poste-source de Montjoyer dans la proposition technique et financière de Montjoyer sera de 483 889 EUR HT et dans la proposition technique et financière de Rochefort de 521 111 EUR HT (le total est ainsi de 483 889 + 521 111 = 1 005 000 EUR HT, coût total de création du poste-source). Le montant de cette proposition technique et financière de Montjoyer (491 689,87 EUR HT) est valable uniquement à condition que l'autre proposition (Rochefort-en-Valdaine) soit signée en même temps par le producteur ». Le montant total des travaux, raccordement des deux installations de production en 20 kV et création d'un poste-source, soit 1 020 601,74 EUR, restait donc analogue aux propositions d'Electricité de France du 2 décembre 2002.

Le 22 janvier 2003, par des courriers adressés à Electricité de France, gestionnaire du réseau public de distribution, les sociétés d'exploitation ont donné leur accord à cette proposition du 13 janvier 2003.

Le 14 février 2003, une nouvelle proposition technique et financière a été élaborée pour la centrale de Rochefort-en-Valdaine, pour un montant de 2 080 926,48 EUR, avec un coût supplémentaire de 1 551 000 EUR au titre des infrastructures du poste-source réalisées par RTE. Cette nouvelle proposition indiquait que son montant était valable à condition que la proposition technique et financière relative à la centrale de Montjoyer soit signée en même temps.

Au cours d'une réunion tenue le 13 mars 2003, les sociétés d'exploitation ont fait part de leur désaccord avec Electricité de France, gestionnaire du réseau public de distribution, sur le nouveau montant de 2 572 616,35 EUR pour le raccordement des deux installations de production.

Le 26 mars 2003, Electricité de France, gestionnaire du réseau public de distribution, a pris acte de ce désaccord et a indiqué à chaque société d'exploitation que : « toute interprétation contraire de la Commission de régulation de l'énergie [le] conduirait à revoir immédiatement [sa] proposition technique et financière ».

Le 31 mars 2003, la Société du parc éolien de Rochefort-en-Valdaine a indiqué à Electricité de France, gestionnaire du réseau public de distribution, que : « devant l'impossibilité de trouver un accord et compte tenu des délais, ensemble, nous nous sommes mis d'accord pour porter ce dossier devant la Commission de régulation de l'énergie. Si cette dernière se rendait à nos propres arguments, il a été convenu que le coût facturé aux deux sites serait adapté en conséquence ». Sous cette réserve, et afin de ne pas retarder la réalisation des raccordements, les sociétés ont signé et retourné à Electricité de France, gestionnaire du réseau public de distribution, les deux propositions techniques et financières.

Le 17 avril 2003, Electricité de France, gestionnaire du réseau public de distribution, a adressé aux sociétés d'exploitation des projets de convention de raccordement de leurs installations au réseau public de distribution HTA, dont le montant correspondait à la proposition du 14 février 2003, soit un montant global de 2 572 616,35 EUR. Ces conventions répartissaient la charge des travaux du poste-source et du raccordement entre les deux sociétés d'exploitation, soit un coût global de 1 237 985,87 EUR pour la centrale de Montjoyer et de 1 334 630,48 EUR pour la centrale de Rochefort-en-Valdaine.

Le 24 juin 2003, les deux sociétés d'exploitation ont signé ces conventions de raccordement en rappelant à Electricité de France que : « dans l'hypothèse où la Commission de régulation de l'énergie ferait droit à notre position sur le coût du raccordement de l'installation, la convention de raccordement serait modifiée conformément à sa décision ».

Sur la projection par Electricité de France, en séance publique, de diapositives non versées au dossier au cours de l'instruction :

Les diapositives présentées par Electricité de France en séance publique ne faisaient qu'illustrer les observations du représentant d'Electricité de France, sur la base des pièces et arguments échangés au cours de l'instruction, et n'apportaient aucun élément nouveau au débat.

En conséquence, le principe du contradictoire n'a pas été remis en cause.

Sur le bien-fondé de l'obligation faite par Electricité de France de raccorder directement les installations de production au réseau public de distribution :

Le projet des sociétés d'exploitation prévoyait le raccordement des installations de production au réseau public de transport d'électricité. C'est Electricité de France, en sa qualité d'acheteur soumis à l'obligation d'achat, qui, par lettre du 2 août 2002, a subordonné l'achat de l'énergie électrique produite par les sociétés d'exploitation au titre de l'obligation légale au raccordement direct au réseau public de distribution de chacune des installations de production d'électricité concernées.

Or, ni la loi no 2000-108 du 10 février 2000, notamment son article 10 (dans sa rédaction en vigueur à l'époque des faits, comme d'ailleurs dans celle issue de la loi no 2003-8 du 3 janvier 2003), ni aucun des textes réglementaires, invoqués par Electricité de France n'ont pour objet ou pour effet de rendre obligatoire le raccordement direct d'une installation de production bénéficiant de l'obligation légale d'achat au réseau public de distribution, ni d'interdire son raccordement direct au réseau public de transport.

La circonstance invoquée par Electricité de France que les « modèles indicatifs de contrats d'achat d'électricité » approuvés par le ministre chargé de l'énergie prévoient une obligation de raccordement direct au réseau public de distribution est, par elle-même, sans influence sur les conditions, fixées par la loi et les textes réglementaires, dans lesquelles Electricité de France doit raccorder une installation de production.

Il résulte également du dossier que le raccordement direct des installations de production considérées au réseau public de distribution n'était pas une condition technique nécessaire à l'exercice effectif des droits des producteurs à faire jouer l'obligation d'achat.

La Commission de régulation de l'énergie relève d'ailleurs que la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement Rhône-Alpes (DRIRE) a considéré que les installations de production d'électricité satisfaisaient aux prescriptions réglementaires en accordant, le 25 mars 2002, des certificats ouvrant droit à l'obligation d'achat de l'énergie électrique produite par les installations de production d'électricité des sociétés d'exploitation de moins de 12 MW chacune raccordées au réseau public de transport.

Il ressort des pièces du dossier, et il n'est d'ailleurs pas contesté que, sans le courrier d'Electricité de France, pôle clients, du 2 août 2002, les sociétés d'exploitation auraient poursuivi leurs relations avec RTE, gestionnaire du réseau public de transport, et n'auraient pas contracté avec Electricité de France, en tant que gestionnaire du réseau public de distribution. C'est donc bien du seul fait d'Electricité de France, pôle clients, que cette solution a été mise en oeuvre.

Compte tenu du fait que la solution technique initiale de la société CEGELEC, de raccordement d'un poste privé au réseau public de transport, n'était pas incompatible avec l'exercice des droits relatifs à l'obligation d'achat, les sociétés d'exploitation requérantes auraient pu persévérer dans la réalisation de cette solution et faire valoir leur droit devant la Commission de régulation de l'énergie. Elles ne se sont cependant pas engagées dans cette voie.

Quoi qu'il en soit, et compte tenu du fait que le raccordement au réseau public de distribution ne s'imposait pas, le coût global du raccordement au réseau public de transport, égal à la somme des coûts résultant de la proposition technique et financière de RTE en date du 8 février 2001 et de la réalisation du poste privé, constitue le coût maximal pouvant être imputé, au cas présent, aux sociétés d'exploitation.

Sur l'établissement des propositions techniques et financières d'Electricité de France et leurs évolutions :

En application de l'article 8.3 du cahier des charges du RAG, approuvé par le décret du 23 décembre 1994, il appartient à Electricité de France, gestionnaire de réseaux publics, lorsqu'il est saisi d'une demande de raccordement au réseau public d'électricité, de produire une proposition technique et financière dans un délai de trois mois. Le fait pour Electricité de France, gestionnaire de réseaux publics, de ne pas produire une telle proposition technique et financière dans ce délai de trois mois pourrait être considéré comme un refus de raccordement.

Toutefois, dans le cas d'espèce, la Commission de régulation de l'énergie constate que, le 26 juin 2003, date à laquelle elle a été saisie, les sociétés requérantes avaient bien reçu une proposition technique et financière, que d'ailleurs elles ont approuvée, sous la seule réserve de l'appréciation par la Commission de régulation de l'énergie de son montant.

Contrairement à ce que soutient Electricité de France, RTE lui a transmis, dès le 21 novembre 2002, comme cela ressort notamment du message électronique échangé entre eux, une première estimation pour la création du nouveau poste-source de Montjoyer, avec une liste de coûts précisant les actifs à la charge d'Electricité de France, gestionnaire du réseau public de distribution, dans le cadre du protocole 114 qui le lie à RTE.

Avant la transmission aux sociétés d'exploitation des premières propositions techniques et financières du 2 décembre 2002 et du 13 janvier 2003, Electricité de France, gestionnaire du réseau public de distribution, avait donc connaissance des actifs physiques qui seraient mis à sa charge au titre du protocole 114.

Electricité de France a, dès lors, manqué à ses devoirs d'information et de transparence en négligeant d'informer les sociétés d'exploitation de l'existence de coûts supplémentaires, puisque, connaissant sa contribution au titre du protocole 114, il lui appartenait d'en informer officiellement les sociétés d'exploitation.

Toutefois, dans le cas d'espèce, il ressort des pièces du dossier que les sociétés d'exploitation ne pouvaient pas ignorer la nécessité de créer un poste-source. En effet, la société ALSTOM Contracting (à laquelle se sont substituées les sociétés d'exploitation) avait accepté, dès le 26 avril 2001, de prendre à sa charge la réalisation du raccordement, au réseau public de transport, de son poste privé. En conséquence, les sociétés d'exploitation ne peuvent sérieusement soutenir qu'elles n'auraient pas pu avoir connaissance en temps utile, du fait que les dépenses correspondantes du poste-source seraient à leur charge.

Il convient donc, pour la Commission de régulation de l'énergie, de rechercher, indépendamment du retard pris par Electricité de France pour produire une proposition technique et financière prenant en compte l'ensemble des dépenses qui devaient être facturées aux sociétés d'exploitation, quelle est la solution de moindre coût qui doit leur être imputée au titre du raccordement au réseau public de leurs installations de production.

Sur le prix de raccordement au réseau public de distribution qu'il convient de retenir :

La participation financière du producteur aux dépenses engagées par les gestionnaires de réseaux publics pour réaliser son raccordement au réseau public d'électricité doit, en application des principes mentionnés au quatrième alinéa de l'article 1er de la loi no 2000-108 du 10 février 2000, être calculée sur la base d'un schéma de raccordement de moindre coût réalisable pour satisfaire sa demande, dans le respect de la réglementation technique applicable à ce type de raccordement. Si le raccordement d'une installation de production nécessite la création d'un poste-source, le gestionnaire du réseau public de distribution doit choisir une solution technique minimale correspondant au strict besoin de puissance exprimé par le producteur sur la base de la réglementation et des paliers techniques en vigueur.

La solution retenue par Electricité de France, gestionnaire du réseau public de distribution, comprenant la création d'un nouveau poste-source situé au plus près des installations de production, est d'un coût inférieur, d'une part, au montant du raccordement direct, en HTA, des deux installations de production au poste électrique existant le plus proche, d'autre part, à la solution initiale de la société CEGELEC de raccordement d'un poste privé au réseau public de transport.

En conséquence, la solution retenue par Electricité de France, gestionnaire du réseau public de distribution, pour le raccordement des deux installations de production apparaît, au vu des pièces produites par les parties, la solution de moindre coût qu'il convient d'imputer aux sociétés d'exploitation. Le montant de cette solution doit être réparti entre les sociétés d'exploitation au prorata de la puissance maximale installée de chaque installation de production.

Les prix spécifiés dans les conventions de raccordement conclues entre les sociétés d'exploitation et Electricité de France étant conformes à la solution de moindre coût, il n'y a pas lieu de les modifier.

Sur les frais engagés au titre de la présente procédure :

Les sociétés d'exploitation demandent à la Commission de régulation de l'énergie de condamner Electricité de France au remboursement des frais exposés par la présente procédure de règlement de différend. Or, si l'article 38 de la loi no 2000-108 du 10 février 2000 habilite la Commission de régulation de l'énergie à préciser les conditions d'ordre financier dans lesquelles l'accès aux réseaux doit être assuré, il ne lui donne pas en revanche, ni aucun autre texte, compétence pour condamner la partie perdante à rembourser les frais de procédure exposés par l'autre partie. Par suite, la demande des sociétés d'exploitation tendant à cette fin ne peut qu'être rejetée,

Décide :


Article 1


Les demandes de la Société du parc éolien de Montjoyer et de la Société du parc éolien de Rochefort-en-Valdaine sont rejetées.

Article 2


La présente décision sera notifiée à la Société du parc éolien de Montjoyer, à la Société du parc éolien de Rochefort-en-Valdaine, à Electricité de France et au gestionnaire du réseau public de transport d'électricité (RTE) et sera publiée au Journal officiel de la République française.


Fait à Paris, le 23 octobre 2003.


Pour la commission :

Le président,

J. Syrota